Au sud de l'Equateur, la
pluie vient le matin. En termes de vivre en Afrique, vraiment y habiter, j'ai
été dans une bande étroite, des deux côtés de l'Equateur, mais au côté miroire d'ici
(Mvangan), ma chose préférée, c'était le son de la pluie sur les toits en tôle
la nuit, m'endormir à cette musique. Les pluies matinales étaient rares, mais
au moins ils retardaient le travail -- et soit les réunions se feraient, soit
ils seraient des heures plus tard, soit ils n'existeraient plus. Je n'étais pas
médecin, à l'époque. Le plan ce soir* c'était pour un feu de camp/ brûlure
d'effigie -- il n'y a qu'une anglaise à ce poste, mais on a décidé de célébrer
les fêtes de tout le monde. La pluie nous complique les plans aujourd'hui.
*5 novembre
La pluie le matin. La saison de pluie qui devait
commencer il y a plus d'un mois (aussi, par le calendrier interne que je
connais par cœur depuis Cameroun -- de janvier, saison sèche, petite saison
sèche, petite saison de pluie, saison de pluie). Des dates précises pour des
décennies, des siècles, qui gouvernent le temps de semer, le temps de cueillir,
et quand cela change (changement climatique globale...), tu ne sais pas quand
semer ou planter, ça pourrait être trop tôt ou trop tard, et la récolte
pourrait être moins, la même, ou être détruite. Proche d'ici, la situation
d'insecurité pendant l'été (au nord du tropique de cancer), veut dire que les
gens ont fuit leur villages et ils retournent lentement (ou pas du tout), et
ils ne pourraient pas planter ou semer cette année, ou partiellement, ou pas du
tout, ou à cause de la pluie retardée ça ira quand-même.
Dans la médecine, parfois
on dit que certaines choses sont dans des "zones sans preuves." Rien
pour te guider, tu avances avec la foie absolue/aveugle et/ou connaissances
et/ou espoir et/ou il n'y a rien d'autre qui reste. Ici, je ne vois que des
patients avec le VIH et/ou tuberculose. Ce que j'aime avec le VIH, c'est aussi
la pire chose. Tout est (peut être) plus compliqué. Le diagnostique différentiel
s'élargie et change. Ce n'est plus le même contexte. Parce que tout peut arriver
et le fait toujours (ce qui rend heureux l'interniste généraliste en moi). Au
moins, c'est le VIH en Afrique. Travaillant aux Etats-Unis, c'est souvent une
histoire différente, c'est réellement (peut être) une maladie chronique à gérer
comme d'autres, plus de médicaments et des nuances à savoir, et (la plupart du
temps) ça ne nécessite pas vraiment un spécialiste. Ici, ce n'est pas l'histoire.
Avec la tuberculose, ça
peut se manifester partout dans le corps, dans presque n'importe quelle
manière. Et voilà pourquoi je l'aime. (Le syphilis est actuellement très
similaire de ce point de vue. Et aux E-U, nous le disons du lupus).
Protéiforme. Toujours en train de changer. Glissant. Et nous avons des tests
pour la TB ici, plus que je m'aurai pu imaginer (aussi, moins). Mais parfois
les résultats sont tous négatifs et tu es obligé de décider avec des
probabilités, caractéristiques des tests, jugement clinique, et la foie
aveugle. Et maintenant, quand ils demandent l'opinion du médecin avant de
lancer le traitement pour la TB pour quelqu'un qui n'a pas de preuve de
TB...c'est moi. C'est mon "jugement clinique." C'est ma "foie
aveugle." Est-ce que je l'ai, même? Peut-être, ici. Zone sans preuves.
J'ai changé de postes
cette semaine. J'ai passé moins de temps à l'hôpital, donc il n'y a eu
seulement un décès, à présent, sous mes mains (brièves). Il est décédé une
heure après que mon collègue et moi l'ont vu, mon collègue a rapidement inséré
l'aiguille spinale dans son dos pour un liquide cérébro-spinale parfaitement
clair, et on ésperait avoir un diagnostique avant de lancer le traitement pour
(ce que j'étais convaincue qu'il avait), qui lui avait mis dans un coma avec
une fièvre de 41 deg C/106 deg F pendant des jours, et on ne savait pas qu'il
était là. Quand on est parti chercher les résultats des examens, le matin, on a
appris qu'il est décédé. Douze ans. On a trouvé le dossier. C'était une heure
plus tard. Est-ce que, avec des tests négatifs, j'aurais quand-même instauré un
traitement qui aurait eu le potentiel de le tuer d'une autre manière? Probablement.
Parfois, ça vient de la déséspération. Pourtant, est-ce vraiment différent avec
la chimiothérapie? Essaie de dernier recours, parfois. Peut-être. Peut-être
quelques semaines ou mois ou années de plus. Ici, le plus souvent, étant donné
à quel stade de maladies les patients viennent à l'hôpital, c'est mesuré en
jours.
Moins de décès, la semaine dernière. Sous mes mains. Je ne sais pas ce que
cette semaine apportera.
Dans ce poste, avant
d'aller voir les patients dans les centres de santé plus éloignés de la ville,
j'ai assisté à plusieurs groupes de support pour les patients VIH-positifs
(traduit du Swahili pour moi, avec diligence et considération, par mes
collègues). Ils ont vraiment mis une emphase sur et effort dans les programmes
psychosociales, y inclus les sessions individuelles et de groupes, ce qui ont
été vraiment remarquables à voir. L'histoire d'une femme incluait voir le
meurtre de son mari devant elle quand un groupe armé a forcé tout le village de
sortir de leurs maisons (pas près d'où je suis. Elle a déménagé). Et beaucoup
des discussions tournait autour de la honte. L'auto-stigmatisation, le rejet
communautaire même pour la perception de "la" maladie. Et après avoir
raconté leurs expériences, la famille qui ne voulait plus les toucher, manger
avec eux, vivre avec eux, parler avec eux (il y en a, quand même, qui ont des
histoires positives), ils se sont tournés vers moi pour plus de perspicacité,
perspective. Comment, Docteur, peut-on mieux combattre la honte?
Je n'ai rien à ajouter.
J'ai entendu un peu de cela dans d'autres contextes, dans d'autres centres dans
d'autres villes, sur un autre continent, dans un autre univers. Des patients
qui enlèvent les étiquettes des bouteilles de médicaments, qui les cachent, les
perdent. Etre rejeté par leurs familles, leurs communautés. Et me voici,
parfois, très délibère à dire que je traite aussi le VIH aux Etats-Unis, que
j'ai eu des patients là-bas qui sont morts du SIDA, que beaucoup des
médicaments sont les mêmes (ou l'étaient...), que je décris la maladie de la même
manière, et que plusieurs des leçons que j'ai enseigné, la semaine dernière,
étaient traduites des présentations que j'ai déjà fait aux Etats-Unis, en
anglais.
Je ne sais pas, ne comprends
pas, la plupart des choses que les personnes veulent vraiment savoir en
médecine, ce qui leur est le plus important. Les battements randonnés de l'œil.
Le mécanisme des palpitations (quand tu les ressens, et pourquoi à ce moment?
Ce n'a pas une relation à la fréquence cardiaque). Et la honte. La question
n'était pas autour de combattre le stigma, pas ce jour-ci. Nous demandons aux PVV
(personnes vivant avec le VIH) de faire le témoignage de leurs expériences pour
la Journée Mondiale du SIDA. Plusieurs se sont dit volontiers, veulent parler
de leur parcours du dépistage/diagnostique à maintenant, comment ils étaient
malade et qu'ils vont mieux aujourd'hui.
Les infirmiers ici
connaissent les médicaments (il n'y en a pas beaucoup), savent les tests du
labo à faire (il n'y en a pas beaucoup), savent les signes et symptômes les
plus communs. Ils connaissent les patients, parfois pour des années. Mais
peut-être, peut-être, une nouvelle personne, de l'extérieurs, l'ex-pat,
pourrait donner aux patients un autre perspective au sujet, une façon de
raisonner et traiter et attaquer.
Je n'ai rien.
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